Une nature morte est une peinture qui représente des objets inertes appartenant au règne de la nature ou des produits de l’industrie humaine. D’autres termes sont ou ont été employés pour désigner ce thème : vie silencieuse, nature reposée ou nature inanimée (Diderot).

On trouve des exemples de natures mortes dès l’antiquité égyptienne sur les murs des tombeaux, dans l’art grec qui pratiquait même le trompe-l’œil et dans l’art romain, notamment dans les peintures murales des villas de Pompéi. Les premiers chrétiens en ont aussi orné de manière symbolique les parois des catacombes.

Pendant le Moyen-Âge, l’objet se fait accessoire et n’apparaît que lorsqu’il est nécessaire à la compréhension ou au symbolisme d’une scène religieuse. L’objet reste un détail intégré dans une scène religieuse ou dans un retable.

La renaissance de la nature morte coïncide avec la Renaissance humaniste, curieuse de toutes les productions de la nature, mais c’est au XVIIe siècle, dans le nord de l’Europe, que cette thématique va prendre toute son ampleur.

Les riches marchands hollandais ou flamands sont, dès le début du XVIIe siècle, les témoins des querelles religieuses entre catholiques et protestants mais aussi des prodigieuses découvertes issues de la recherche scientifique. Ils vivent leur foi avec un sentiment de liberté accru par les découvertes, mais ressentent en même temps l’insignifiance de l’homme face aux nouvelles dimensions de l’univers.

Ces luttes religieuses et intellectuelles vont faire émerger un nouveau genre de peinture de natures mortes, celui dit des «Vanités». 

De nombreux peintres en Hollande et en Flandre produiront beaucoup de vanités pour les riches et prospères marchands d’Anvers, d’Amsterdam, qui comptent à l’époque parmi les plus grands ports du monde.

 Une vanité est un genre particulier de nature morte, à implication philosophique et dans laquelle des objets représentatifs des richesses de la nature et des activités humaines sont juxtaposés à des éléments évocateurs du triomphe de la mort. L’historien d’art André Chastel parle de nature morte «moralisée».

Dans les vanités, les objets représentés symbolisent la fragilité, la brièveté de la vie,le temps qui passe, la mort.

La vanité raconte le luxe dérisoire face au temps qui passe, la précarité de l’existence, la vanité de toute volonté effective de changement ; elle traduit les questionnements et les aspirations d’une époque et d’une culture. On parle aussi à leur égard de «tables dressées» ou de «cuisines». Il y a les «cuisines pauvres» qui mettent en scène harengs, miches de pain et eau claire et les «cuisines riches», dressées avec des objets précieux et des produits exotiques.

Riches en symboles, les vanités évoquent :

la corruption de toute matière : avec la mouche, qui précède le ver de la pourriture, et les petits insectes d’une manière générale ; les pétales fanés ;

les pierres lézardées ou les rebords de coupelles ébréchés ; les cordes rompues. Les fruits pourris ou rongés par les insectes et les vers évoquent la mort.

La fuite du temps : avec le chronomètre ou la montre, la bougie consumée, le sablier, le crâne ou le squelette, la lampe à huile. Les verres souvent àmoitié remplis évoquent la « coupe de la vie », les nuages sont les signes du temps qui passe. (Les huîtres, les cerises, le pain sont choisis pour leur duréede vie limitée).

La fragilité de la vie : avec les crânes, bougies éteintes, fleurs fanées,miroirs, instruments de musique, fumée, bulle de savon, chenille, papillon (qui est aussi symbole de l’âme), verre brisé ou renversé ; objets en déséquilibre ;la nuit représente la fin du jour et de l’existence. Les tentures noires et argent sont les symboles du deuil. Les citrons témoignent de l’amertume de l’existence. Les boissons, bières, vins évoquent les différents goûts de la vie. 

La vanité des biens de ce monde : avec les étoffes précieuses, coquillages,bijoux, pièces de monnaie, armes, couronnes et sceptres (richesse et pouvoir), livres, instruments scientifiques, bustes antiques ou tout objet d’art (connaissance), verres et vin, pipes, instruments de musique, cartes à jouer, dés (plaisirs) ; les pièces d’orfèvrerie : les grands plats, tasses, vases, aiguières en vermeil ne servent pas aux besoins quotidiens, ces objets de luxe peuvent semer la discorde et susciter les querelles et c’est pourquoi ils faisaient fonction de présages sinistres dans les tragédies de l’Antiquité.

• La vérité de la résurrection et de la vie éternelle : avec les épis de blé,couronnes de laurier, citations des Écritures ou des stoïciens qui soulignent l’inutilité des biens de ce monde sous forme de sentences : Vanitas vanitatum et omnia vanitas (« Vanité des vanités, tout est vanité »).

La religion : avec le vin, le pain et le raisin qui représentent l’Eucharistie.

Les cinq sens : thème fréquent dans la peinture du XVIIIe siècle, les sens représentent aussi bien la base de la connaissance que la voie du péché. 

Les vanités hollandaises et flamandes du XVIIe siècle

Alors que la nature morte flamande n’était conçue que comme un élément décoratif, la nature morte hollandaise témoigne de la vie secrète des choses. Aucune différence absolue ne distingue les styles hollandais et flamand. Les deux villes les plus importantes de chaque pays (Amsterdam dans les Pays-Bas du nord et Anvers dans les Flandres) n’étaient qu’à cent cinquante kilomètres l’une de l’autre. Les artistes se déplaçaient librement d’un pays à l’autre, échangeant leurs expériences, leurs techniques et leurs sujets. Le crabe est un symbole de la résurrection, il perd son enveloppe au printemps pour prendre nouvelle carapace Le crabe et le homard peuvent aussi symboliser l’inconstance et l’instabilité en raison de leur démarche caractéristique, qui les fait se déplacer à reculons. Ils évoquent ainsi la déviance morale.

La mouche noire sur l’aile blanche représente le mal. Les fruits, légumes et gibiers entassés sans ordre illustrent l’abus inconsidéré des plaisirs des sens.

L’écorce de citron pelée en spirale peut représenter le déroulement de la vie terrestre, au long duquel l’individu libère son esprit de son enveloppe matérielle, pour arriver à la pulpe de l’essence spirituelle. 

Le raisin est un symbole de la Passion de Jésus-Christ. Présenté comme l’origine du vin, il est associé au sang du Christ.

 Les roses coupées et la coupe renversée représentent la jeunesse foudroyée.

 Le sablier, le verre à moitié rempli d’eau invoquent la vie qui s’écoule inexorablement.

Les peintres Hollandais du 17 eme célèbres : Van Beyeren ,Jan de Heem, Jan Bruegel,Willem Van Aelst.

Jan Davidszoon de Heem (1606-1684)

 Nature morte avec raisins, abricots, cerises, un citron et un verre à pied sur une table

 

Jusqu’au 18ème siècle, un classement hiérarchique des genres de peinture avait cours.

En premier venait la peinture d’histoire, puis les scènes de genre, les portraits, les paysages et enfin la Nature Morte.

Cela explique peut-être pourquoi à l’exception notable des italiens (Le Caravage) et des espagnols (Velasquez, Zurbaran) peu de « grands » peintres se sont essayé à cet exercice ,les peintres de Nature Morte étant des spécialistes du genre.

La majorité des natures mortes était réalisée sur panneau de bois ou toile. Le très bon état de conservation des peintures du Moyen Age peintes sur bois témoigne des qualités de ce support. Cependant au cours du 17e la toile prend le pas sur les panneaux de bois, car elle est beaucoup moins lourde et plus maniable. Mais les Natures Mortes étant souvent de petite taille, l’avantage de la toile était moins important et beaucoup d’entre elles sont peintes sur bois .

 

Paul Cezanne (1839-1906)

Nature Morte au crâne

 

Elle sera pratiquée par tous les peintres ensuite jusqu’à nos jours.C‘est un genre majeur en peinture.

Georges Braque (1882-1963) –

Nature morte aux citrons