Rubens, fleuve d’oubli, jardin de la paresse,

Oreiller de chair fraîche où l’on ne peut aimer,

Mais où la vie afflue et s’agite sans cesse,

Comme l’air dans le ciel et la mer dans la mer…

(Baudelaire, « Les Phares », Les Fleurs du mal, Section Spleen et Idéal, VI)

Pierre Paul Rubens était un peintre baroque flamand actif à Anvers de 1600 à 1640. Son insatiable soif de connaissances, ses voyages à travers l’Europe et ses idées visionnaires ont fait de lui l’un des artistes les plus brillants de son temps. 

Ses Etudes

Rubens poursuit sa formation artistique dans la ville d’origine de sa mère, à Anvers, à partir des années 1590. À l’époque, Anvers se remet tout juste de plusieurs décennies de conflits religieux et entre dans une période de renaissance qui, bien que porteuse de promesses, offre un avenir incertain à ses habitants. 

Il intègre l’atelier d’Adam van Noort, l’artiste le plus reconnu d’Anvers, et devient l’apprenti de Vaenius en 1597, un mentor qui lui fait découvrir la peinture figurative de la renaissance italienne. 

Il réside quasiment toute sa vie à Anvers, malgré de nombreux voyages et y développe son réseau de connaissances, de clients, son cercle d’amis, et reçoit la visite de personnalités importantes dans son atelier.

Peter Paul Rubens (1577-1640) 

Tête de jeune homme portant une armure

Un tournant

Un entreprend un voyage en Italie,en 1600, afin d’y étudier la peinture des maîtres anciens et modernes. 

À Venise, il s’attarde devant les œuvres du Titien, de Véronèse et du Tintoret. À Rome, il s’amourache du style classique de l’Antiquité et étudie avec minutie. Il réalise des dessins en abondance, qu’il conserve afin de s’en servir plus tard, comme une banque d’images personnelle dans laquelle puiser. Il fait également la rencontre de son contemporain et maître incontesté de la lumière, le Caravage.

En 1603, Rubens s’installe à Mantua et continue à peindre pour la cour du Duc Vincenzo.

Son entreprise

Après huit ans en Italie, Rubens retourne à Anvers, où il reçoit immédiatement beaucoup de commandes spéciales, parfois pour des projets à grande échelle. Il décide d’ouvrir son atelier.

Il n’aurait pu suffire aux commandes sans l’aide d’élèves et de collaborateurs qui exécutent en grand, sous ses yeux, ses incomparables esquisses : Van Dyck et Jordaens peignaient les figures ; Snyders, Paul de Vos, les animaux ; Breughel de Velours, Jean Wildens, Martin Ryckaert, le paysage.

Quand chaque élève avait rempli sa tâche dans la grande composition destinée à devenir définitive, mais tenue encore dans les tons clairs, le maître tantôt revenait sur la couleur fraîche, tantôt – le plus souvent – reprenait le tableau déjà sec et le faisait sien en y ajoutant des accents de dessin ou d’effet, des touches plus hardies et plus transparentes, des ombres plus intenses et plus profondes. Très honnête d’ailleurs, il variait ses exigences vis-à-vis des acheteurs selon sa part de travail personnel.

Il était Catholique croyant et pratiquant et son atelier, bien que considéré comme onéreux, comptait l’Église catholique parmi ses principaux clients.  

Il était fin diplomate et entretenait des relations avec les rois,princes et autres gouverneurs des capitales européennes.Il aura contribué à rétablir la paix entre les royaumes d’Espagne et d’Angleterre.

Sa famille

Si Rubens rentre d’Italie en 1608, c’est en partie pour pouvoir s’occuper de sa mère mourante, (son père décède alors qu’il n’a que 10 ans), et se réinstalle définitivement à Anvers. 

Avec tant de réussite professionnelle, Rubens n’en était pas moins un homme de famille dévoué. Il se marie deux fois, la première en 1609 avec Isabella Brant, la fille d’un citoyen influent d’Anvers, qui lui donne trois enfants, la deuxième avec Helena Fourment, une jeune femme de seulement 16 ans, qui donne naissance à cinq autres descendants.

Bien que très souvent absent, Rubens essayait de passer du temps auprès de sa famille, et a peint plusieurs portraits de sa femme et de ses enfants.

Pierre Paul Rubens

 Le Chapeau de Paille ou Suzanne Fourment (1622-25).

Huile sur bois, 79 × 55 cm, National Gallery, Londres. Suzanne Fourment (1599-1628) était la sœur aînée d’Hélène, la seconde épouse de Rubens. Rubens l’utilisa souvent comme modèle. Le bruit courut qu’elle était sa maîtresse mais rien ne permet de corroborer cette rumeur qui est considérée comme totalement fausse par les spécialistes du peintre.

Sa première fille, Clara Serena, décéde en 1623 à l’âge de 12 ans, seulement trois ans avant que sa femme Isabella ne soit emportée par la peste.

Un collectionneur

Doté d’un esprit commercial remarquable, Rubens intègre des graveurs à son atelier, et leur donne pour mission de réaliser des impressions de ses œuvres, qui seront dupliquées et vendues. Une initiative qui se rapproche des techniques de communication actuelles. Rubens a également mis en place l’une des premières versions du concept du droit d’auteur dans le domaine de la reproduction.  

L’artiste flamand commence à collectionner des œuvres d’art et des antiquités dès la vingtaine, continue lors de sa résidence en Italie, et ce jusqu’à la fin de sa vie.

Son importante collection comprenait des pièces de monnaie, des objets d’Art ancien, des sculptures, dessins, et plusieurs peintures de ses prédécesseurs et contemporains, comme Brueghel, Dürer, le Titien ou encore le Tintoret. 

Ses trésors les plus frappants :324 peintures, 7 sculptures en ivoires, et même une momie égyptienne.

SON OEUVRE

Il touche à tous les domaines de la peinture : portraits, sujets mythologiques, scènes allégoriques, scènes historiques, sujets religieux, paysages…..

Il travaille pour la cour de France ( commande de Marie de Médicis sur sa vie et cartons de tapisserie pour Louis XIII), pour l’Espagne( commande des Carmélites de Madrid), pour Charles Ier d’Angleterre( plafond de Whitehall à Londres ).

Ses dessins étaient extrêmement puissants, mais peu détaillés.Il fut l’un des derniers artistes majeurs à utiliser de manière cohérente des panneaux en bois comme support, même pour des travaux très importants, mais il a aussi utilisé la toile. Il peignait parfois sur ardoise afin de réduire les problèmes de réflexion.

Souvent, Rubens n’intervenait que par des « maquettes », des esquisses à l’huile que des collaborateurs se chargeaient ensuite d’agrandir et de réaliser avant que le maître n’intervienne pour retoucher le résultat ou réaliser les figures les plus importantes.

Le clair-obscur, emprunté à Caravage, caractérise les premières toiles de Rubens. Mais à partir de son retour à Anvers en 1608, son style va évoluer vers la clarté. Le dessin prendra également plus d’importance et les contours deviendront plus fermes. La primauté de la couleur, décriée par l’Académie de Peinture et de Sculpture de Paris, est la caractéristique première de cet art : vêtements rouge et bleu, chairs et visages ocre blond et rose, nuances de blancs et de gris argent. La composition est rigoureuse dans son ensemble, mais elle ne devient jamais un schéma trop contraignant interdisant toute souplesse dans la mise en œuvre. Une telle philosophie alliant rigueur de conception et souplesse de réalisation permet un travail collectif.

Son influence sera déterminante sur les peintres de la couleur des siècles suivants tels Watteau, Delacroix ou Renoir.

Etude de femme assise

 probablement Hélène Fourment

Technique :

Sa peinture est l’héritière de l’école de peinture Vénitienne, des oeuvres monumentales de Michael ange. L’être humain, la vie et le mouvement sont au coeur de son oeuvre.

Brossées vivement les esquisses de Rubens ont un caractère enlevé, léger et spontané qui contraste avec celui de ses grands tableaux dont ce ne sont pas les qualités principales.

En droite ligne de la technique des primitifs flamands, la technique de Rubens s’en démarquera par l’accentuation de l’opacité des pâtes, en particulier des couleurs claires par l’adjonction de blanc dans les couleurs, selon la méthode des peintres italiens, en particulier les vénitiens (voir Le Titien).

Comme chez les primitifs, les fonds de Rubens sont clairs, préparés d’un mélange de colle de peau et de craie.

La recette du médium de Rubens :

Fabrication du vernis mastic :

  • 100 g de gomme mastic en grains
  • 150 ml d’essence de térébenthine
  • Verser le mastic dans une casserole et recouvrir avec l’essence de térébenthine. Au bain marie pendant ½ heure en remuant pendant que le resine fond.
  • Verser le mastic à l’aide d’un bas en le filtrant et laisser décanter 3 jours.

Fabrication du vernis gel :

  • *Vernis Mastic
  • *Huile noire de Kremer (huile de noix cuite avec de la litharge.
  • Dans une proportion égale, verser le vernis mastic et l’huile noire
  • Mélanger avec un bâtonnet ou couteau à peindre et laisser poser.
  • Le mélange s’épaissit et se transforme en un vernis gel thixotrope. Pour le conserver le mettre dans un tube et vous pourrez le conserver plusieurs mois.
  • Chaque teinte est préparée en trois tons différents : le ton local (moyen), le ton sombre et le ton clair et elles sont appliquées en partant des ombres posées lors de l’ébauche.
  • Les rehauts sont posés avec du blanc d’argent et du jaune de Naples, très opaque
  • La première ébauche était exécutée en camaïeu roux transparent, en terre de Sienne brûlée.
  • La deuxième ébauche était poursuivie à la façon des ébauches du Quattrocento, c’est à dire en 3 tons dégradés. Les couleurs sont cependant plus épaisses car il y ajoute du blanc de plomb.

SES COULEURS

(selon Maurice Busset)

  • Jaune : mélange de laque jaune (stil de grain), ocre jaune, blanc d’argent.
  • Chair : blanc d’argent, ocre jaune, ocre rouge, vermillon (cinabre)
  • Rouge : blanc d’argent, laque, vermillon
  • Gris bleu : blanc d’argent, outremer (lapis lazuli) et noir

Vénus au Miroir (1615). Huile sur bois, 124 × 98 cm,

 Musée Liechtenstein, Vienne. Comparer avec la Vénus de Vélasquez, plus tardive (1647-51). 

Rubens est ici le dernier des grands peintres de la Renaissance et Vélasquez un précurseur de la modernité (similitudes avec La Grande Odalisque d’Ingres de 1814).